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LE CANCER DU POUMON NON À PETITES CELLULES


Les cancers du poumon sont parmi les plus fréquents et les plus meurtriers. Pour les stades avancés de la maladie, le pronostic des patients était particulièrement sombre… jusqu’à l’arrivée de l’immunothérapie et des thérapies ciblées.

En Belgique, près de 9000 nouveaux cas de cancers du poumon sont diagnostiqués chaque année. Ils sont respectivement les 2e et 3e cancers les plus fréquents chez l’homme et la femme mais constituent la 1ère cause de mortalité par cancer chez l’homme et la 2e chez la femme, après le cancer du sein.

Détectées à des stades précoces, les tumeurs sont soignées principalement par chirurgie. « Malheureusement, dans les faits, la majorité des cancers bronchiques sont diagnostiqués à un stade avancé où la chirurgie n’est plus une option », explique le Pr. Thierry Pieters, Chef de Clinique au Service de pneumologie des Cliniques universitaires Saint-Luc.

L'ARRIVEE DE L'IO

Il existe plusieurs types de cancers du poumon. Les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) représentent plus de 80 % des cas (1). Longtemps, les traitements pour les CBNPC de stade avancé 3 ou 4 ont eu des effets limités. « La chimiothérapie était reine mais peinait à allonger la survie», poursuit le Pr. Pieters. « Au début des années 2000, nous prenons conscience qu’une minorité de ces cancers, surtout les formes non-squameuses, sont la conséquence de mutations ponctuelles dans l’ADN, alors que la majorité des cancers naissent du développement de multiples mutations parallèles. Ces mutations engendrent des protéines anormales à la surface des cellules ou en leur sein qui favorisent les processus cancéreux. Petit à petit, les scientifiques développent des molécules pouvant les contrer, souvent des thérapies orales, appelées thérapies ciblées (2). De nos jours, elles ne concernent encore qu’une minorité des patients et des mécanismes de résistance apparaissent assez vite. L’immuno-oncologie (IO) constitue une autre révolution ! Non seulement l’IO allonge la survie d’un nombre croissant de patients, mais nous obtenons aussi parfois des rémissions complètes. » Grâce à ces nouveaux traitements, 20 à 30 % des patients atteints de CBNPC avec métastases survivraient 5 ans et plus… contre 6 % auparavant(3). Et ce n’est probablement qu’un début, car de nouvelles cibles de l’IO sont en développement.

L’IO DANS LES CANCERS DU POUMON

En Belgique, actuellement, plusieurs immunothérapies sont disponibles pour le traitement du CBNPC localement avancé ou métastatique : l’atézolizumab, le cemiplimab, le durvalumab, l’ipilimumab, le nivolumab et le pembrolizumab. « Environ 20 % des patients répondent positivement à l’immunothérapie en 2ème ligne de traitement pour autant qu’ils n’aient pas reçu d’immunothérapie en 1ère ligne»(4), explique le Pr. Pieters. «En 1ère ligne, le taux de réponse (5) est plus que doublé : plus de 44 % !(6) La survie globale des patients atteints de cancers du poumon métastatiques est conditionnée à l’expression d’un biomarqueur situé sur les cellules tumorales, appelé PD-L1, et à l’exposition précoce à l’immunothérapie, ce qui justifie pleinement son remboursement en première ligne de traitement. L’immunothérapie a détrôné la chimiothérapie. En effet, actuellement, l’immunothérapie est le traitement standard de ce type de cancer (en dehors des rares exceptions) et la question subsidiaire est de décider si une chimiothérapie doit y être associée ou non et en quelle quantité. Etant acquis les résultats impressionnants dans les cancers métastatiques, l’intérêt de l’IO dans les stades plus précoces a été étudié.» C’est notamment le cas pour les stades 3 pour lesquels le pronostic vital à 5 ans était figé depuis des décennies à 20-25%. L’immunothérapie, en traitement de maintenance pendant 1 an après une chimio-radiothérapie concomitante (cCRT) a permis pour la première fois d’améliorer ce constat. La survie à 5 ans est passée à plus de 40 % et se confirme dans la pratique clinique, validant le changement de paradigme qu’apporte l’immunothérapie.

QUE NOUS RÉSERVE L’AVENIR ?

D’abord, il est de plus en plus question de remonter dans les stades. C’est-à-dire de prescrire l’immunothérapie dans des cancers de stade plus précoce, dans les stades dits chirurgicaux. Pourquoi ? Ils représentent près d’un quart des patients et leur pronostic vital n’est globalement que d’environ 50-60% de survie à 5 ans. Le standard de soin actuel qu’est la chimiothérapie adjuvante (après la chirurgie) ou néoadjuvante (avant la chirurgie) n’apporte qu’un bénéfice de survie de 5% supplémentaire. Ce paradigme pourrait changer avec l’immunothérapie.

En traitement adjuvant, l’immunothérapie est donnée pendant 1 an après la chirurgie. Cet ajout d’immunothérapie entraîne une augmentation de la survie médiane sans récidive de près de 35% chez les patients exprimant plus de 1% du biomarqueur « PD-L1 ». Cet avantage est encore plus impressionnant lorsque le taux d’expression du PD-L1 est de ≥50% où cette même survie est améliorée à près de 55%.

En traitement néoadjuvant, on ajoute l’immunothérapie aux 3 ou 4 cycles de chimiothérapie administrés avant la chirurgie. Avec l’immunothérapie, 24% des patients présentent une réponse complète, c’est-à-dire qu’aucune cellule tumorale n’est retrouvée dans la pièce opératoire.

Le monde oncologique attend avec impatience la confirmation de l’intérêt de l’immunothérapie dans ces stades précoces grâce aux données de survie à plus long terme.

Faudra-t-il donner de l’immunothérapie à tous les patients atteints de cancers poumon opérables? Certains patients n’en bénéficient pas. Lesquels ? Telle est la question pour les prochaines années. La recherche de matériel génétique tumoral résiduel dans le sang pourrait être une piste (ctDNA) (7). L’idée est d’offrir un traitement adjuvant aux seuls patients chez qui du matériel génétique tumoral circulant est retrouvé après la chirurgie.

Le mode d’administration de l’immunothérapie est pour l’heure intraveineux. Des études sont en cours pour valider des injections sous-cutanées.

GÉRER LES EFFETS SECONDAIRES

Bien qu’elle soit généralement bien tolérée par les patients, l’immunothérapie peut provoquer des effets secondaires. En effet, par son mode d’action, l’un des freins (naturels) de la réponse immunitaire est levé. Le système immunitaire peut donc faire de l’excès de zèle et provoquer des effets secondaires de type inflammatoire. « Les toxicités les plus fréquentes sont le rash cutané, les troubles thyroïdiens et les hépatites », explique le Pr. Pieters. « Détectées à temps, ces toxicités peuvent être gérées, notamment avec des corticoïdes (8). Ce que nous redoutons le plus, ce sont les atteintes pulmonaires et digestives, car elles sont sévères et nécessitent d’interrompre l’immunothérapie. Heureusement, ces toxicités-là sont rares. »

Date de mise à jour du texte : Octobre 2023

***notes***

  • (1)Le cancer bronchique à petites cellules représente environ 15 % des cas.
  • (2)Les thérapies dites ciblées visent des récepteurs spécifiques présents à la surface de certaines cellules cancéreuses et fonctionnent comme des interrupteurs.
  • (3)Reck et al. Journal of Clinical Oncology 2021; ;39(21):2339-2349S. Novello et al. Journal of Clinical Oncology 2023;41(11):1999-2006
  • (4)Borghaei et al. Journal of Clinical Oncology 2021;39(7):723-733
  • (5)On parle de réponse quand le traitement agit efficacement sur la tumeur, soit en freinant ou stoppant sa progression, soit en diminuant son volume. Une réponse est dite complète lorsque plus aucune trace de la tumeur n’est détectée par les examens.
  • (6)Reck et al. Journal of Clinical Oncology 2021; ;39(21):2339-2349S
  • (7)En effet, les cellules tumorales en apoptose (mortes) libèrent dans le sang une partie de leur contenu, dont des morceaux d’ADN.
  • (8)Médicaments dérivés de la cortisone.

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