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connaître et comprendre les cancers et leurs traitements

LES CANCERS GASTRO-INTESTINAUX


Comparativement à d’autres régions du monde, les cancers de l’oesophage et de l’estomac sont plutôt rares en Belgique. Ils sont souvent dus respectivement à un oesophage de Barrett et à une infection par Helicobacter pylori. Lorsqu’on trouve encore du tissu tumoral dans la pièce opératoire après une intervention chirurgicale pour un cancer de l’oesophage, on recourt à l’immunothérapie. En cas de métastases à distance, on peut administrer de l’immunothérapie, tant pour le cancer de l’estomac que de l’oesophage. Nous avons rencontré le Pr Geboes et le Dr Callebout, tous deux spécialistes des maladies gastrointestinales à l’UZ Gent et experts en matière de cancers UGI.

QU’EST-CE QU’UN CANCER UGI?

Les cancers UGI (upper gastrointestinal tract) sont des cancers qui se manifestent au niveau de la partie supérieure du tractus gastro-intestinal. Concrètement, il s’agit des cancers de l’oesophage et de l’estomac.

COMMENT LES CANCERS UGI SE DÉVELOPPENT-ILS ET QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE?

Au niveau de l’oesophage, on distingue deux types de cancers. D’une part, les adénocarcinomes, qui sont généralement situés dans la partie basse de l’oesophage, juste au-dessus de la jonction entre l’oesophage et l’estomac. Ils sont souvent la conséquence d’un «oesophage de Barrett», une inflammation chronique au niveau de la muqueuse de l’oesophage due au reflux d’acide gastrique. D’autre part, il y a les carcinomes spinocellulaires, qui sont plus fréquents au milieu de l’oesophage ou plus haut et qui sont souvent dus au tabagisme et/ou à la consommation d’alcool. En raison de la diminution de ces facteurs de risque, ce type de cancer de l’oesophage est un peu moins fréquent dans le monde occidental ces dernières années. Les adénocarcinomes, quant à eux, sont un peu plus fréquents, entre autres à cause de l’augmentation de l’obésité, qui est un facteur de risque d’oesophage de Barrett.

Le principal facteur de risque de développement d’un cancer de l’estomac est une infection par Helicobacter pylori, une bactérie dont la fréquence diminue ces dernières années dans le monde occidental. Les autres facteurs de risque sont l’alcool et le tabac, une alimentation riche en viande ou pauvre en fruits et légumes et la dysbiose. Chez 10% des patients, on retrouve des antécédents familiaux de cancer de l’estomac. Dans 1 à 3% des cas, il s’agit d’une forme héréditaire avec une anomalie génétique connue (mutation).

QUELLE EN EST LA FRÉQUENCE?

Au niveau mondial, le cancer de l’estomac est le 5e cancer le plus fréquent, et le cancer de l’oesophage occupe la 7e place. En Belgique, les cancers UGI sont plutôt rares. En 2021, 1.448 cancers de l’estomac et 1.088 cancers de l’oesophage ont été diagnostiqués et ces chiffres sont restés stables au cours des 10 dernières années(2). Selon la dernière publication du Registre du Cancer Belge , le cancer de l’estomac – chez l’homme – se classe au 10e rang et le cancer de l’oesophage au 11e rang des cancers les plus fréquents dans notre pays. Chez les femmes, ces chiffres sont encore un peu plus bas.

QUEL EST L’ÂGE MOYEN AUQUEL UN CANCER UGI EST DIAGNOSTIQUÉ?

L’âge moyen du diagnostic se situe entre 60 et 65 ans. Malheureusement, des sujets jeunes peuvent également être touchés mais, le plus souvent, la maladie n’apparaît pas avant l’âge de 50-55 ans. Par la suite, la probabilité de ce diagnostic continue à augmenter avec l’âge, pour rester à peu près stable à partir de 65-70 ans.

QUAND FAUT-IL PENSER À UN CANCER UGI? QUELS EN SONT LES SYMPTÔMES?

En cas de cancer de l’oesophage, la douleur lors de la déglutition (dysphagie) est une (première) plainte typique. Les patients ont l’impression que quelque chose est coincé derrière le sternum. Des vomissements (d’aliments non digérés) dans la demiheure qui suit le repas peuvent également être l’un des premiers symptômes. En cas de cancer de l’estomac, les patients se plaignent initialement plutôt d’une sensation de réplétion. Ils peuvent également présenter des vomissements, mais il s’agit alors généralement d’aliments déjà à moitié digérés (vomissements «marc de café»). Une dysphagie brutale ou des vomissements de sang sont des symptômes d’alarme qui nécessitent également une prise en charge rapide.

Si les tumeurs ne bloquent pas (complètement) le passage des aliments au niveau de l’estomac ou de l’oesophage, ces symptômes typiques peuvent faire défaut au début. Des plaintes aspécifiques comme une anémie ou une perte de poids inexpliquée peuvent alors constituer une première indication d’un processus tumoral. En cas de perte de poids dont l’origine n’est pas claire, de dégradation de l’état général ou d’affaiblissement, un CT scan révèle souvent qu’il y a déjà des métastases à distance au moment du diagnostic.

QUELS SONT LES EXAMENS NÉCESSAIRES POUR POSER LE DIAGNOSTIC?

Si on suspecte une lésion au niveau de la paroi de l’oesophage ou de l’estomac, on réalise toujours une gastroscopie accompagnée d’une biopsie. Le résultat de la biopsie est disponible au bout de 5 jours environ, et le diagnostic peut être posé avec certitude. En cas de tumeurs de l’oesophage, on peut également préciser s’il s’agit d’un adénocarcinome ou d’un carcinome spinocellulaire. Un CT scan thoracoabdominal permet de déterminer avec certitude s’il y a ou non des métastases. S’il y a des métastases consécutives à ce type de tumeurs, elles se manifesteront généralement au niveau des poumons, du foie ou du péritoine. Une semaine après les examens, les patients sont revus en consultation et on leur communique le diagnostic exact, la présence éventuelle de métastases et une proposition de plan de traitement.

UN CANCER UGI EST-IL OPÉRABLE?

Dans certains cas, une tumeur très superficielle peut être enlevée par endoscopie. Si l’examen microscopique ultérieur du tissu tumoral montre que la lésion a été enlevée en totalité, aucun autre traitement n’est généralement nécessaire.

Si la tumeur est plus profonde, dans la couche graisseuse ou musculaire, ou si des ganglions sont touchés, une intervention chirurgicale seule, sans traitement annexe, est possible dans un groupe très limité de patients. En cas de cancer de l’estomac, on enlève généralement une grande partie de l’estomac, voire la totalité. En raison de la disparition du sphincter à la sortie de l’estomac, il peut se produire un phénomène de «dumping», c’est-à-dire qu’une grande quantité d’aliments pénètre brusquement dans l’intestin grêle, entraînant des diarrhées ou une hypoglycémie. Après l’intervention, les patients doivent souvent prendre de plus petits repas, plus fréquents, pour maintenir un poids stable. Parfois, une alimentation complémentaire spéciale peut même s’avérer nécessaire.

La chirurgie gastrique peut actuellement être pratiquée dans tous les hôpitaux de Belgique. La chirurgie de l’oesophage est techniquement très difficile, avec de nombreuses complications possibles, et elle nécessite un suivi strict assuré par une équipe de médecins, d’infirmiers et de paramédicaux expérimentés et aguerris. Cette intervention ne peut être pratiquée que dans quelques centres en Belgique(3). Tous les aspects de la prise en charge de tout cancer de l’oesophage potentiellement opérable diagnostiqué dans une région donnée font l’objet d’une discussion dans un centre agréé lors d’une consultation pluridisciplinaire impliquant, outre les chirurgiens et les spécialistes de l’oncologie gastro-intestinale, des radiologues, des anatomopathologistes et des radiothérapeutes, avant qu’on ne puisse instaurer un traitement (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie).

QUEL TRAITEMENT ADJUVANT UTILISE-T-ON?

En cas de cancer oesophagien spinocellulaire, on administre généralement de la radio- et de la chimiothérapie avant la chirurgie. Il en va de même pour l’adénocarcinome oesophagien proximal. Si la lésion est située plus bas, le traitement préalable consistera en une combinaison de radio- et de chimiothérapie ou en une chimiothérapie seule. En cas de cancer de l’estomac, on administre presque toujours de la chimiothérapie avant la chirurgie. Lorsqu’on trouve encore du tissu tumoral dans la pièce opératoire après une intervention chirurgicale pour un cancer de l’oesophage, on recourt à l’immunothérapie. En résumé, en cas de cancer de l’oesophage, le traitement consiste généralement en une radio-chimiothérapie, une intervention chirurgicale et de l’immunothérapie successives. En cas de cancer de l’estomac, le traitement repose successivement sur la chimiothérapie, la chirurgie, puis à nouveau la chimiothérapie. En cas de métastases à distance, on administre de la chimiothérapie (avec ou sans immunothérapie), tant pour les cancers de l’estomac que de l’oesophage.

QU’EST-CE QUE L’IMMUNOTHÉRAPIE ET COMMENT EST-ELLE ADMINISTRÉE?

À un moment donné, une tumeur va bloquer l’action des cellules de notre système immunitaire chargées d’éliminer les cellules cancéreuses. L’immunothérapie peut lever ce blocage afin que ces cellules puissent à nouveau attaquer les cellules cancéreuses.

Tout comme la chimiothérapie, l’immunothérapie est administrée en hôpital de jour. Lorsque les patients ne reçoivent que de l’immunothérapie (non associée à une chimiothérapie), celle-ci est généralement administrée toutes les 2 ou 3 semaines. Lorsque la chimiothérapie et l’immunothérapie sont combinées, les 2 traitements sont le plus souvent administrés simultanément, mais il existe également des schémas où la chimiothérapie et l’immunothérapie sont administrées en alternance.

L’IMMUNOTHÉRAPIE A-T-ELLE DES EFFETS INDÉSIRABLES?

L’immunothérapie en elle-même induit beaucoup moins d’effets indésirables directs que la chimiothérapie. Les patients qui ne reçoivent que de l’immunothérapie peuvent quitter l’hôpital peu de temps après l’administration et présentent généralement peu de plaintes à la suite du traitement. Toutefois, l’inconvénient de l’immunothérapie est que les cellules du système immunitaire peuvent «se déchaîner» n’importe où dans l’organisme, provoquant ainsi des états inflammatoires diffus (intestins, pancréas, poumons, cerveau…), et ce, aussi bien au début qu’à la fin du traitement. C’est pourquoi nous demandons aux patients de consulter rapidement s’ils présentent brutalement certains symptômes. La chimiothérapie est plus prévisible en termes d’effets indésirables. Après 2 cycles de traitement, les effets indésirables auxquels le patient peut s’attendre au cours des séances suivantes sont le plus souvent clairs.

Environ 10% des patients traités par immunothérapie doivent arrêter le traitement en raison d’effets indésirables, et 1% des patients en meurent. Les effets indésirables sont donc plutôt rares, mais ils peuvent avoir des conséquences graves. En Belgique, tous les hôpitaux disposent de recommandations spécifiques pour la prise en charge des effets indésirables résultant de l’immunothérapie.

QUELLE EST LA DURÉE DE SURVIE MOYENNE? PEUT-ON GUÉRIR D’UN CANCER UGI?

En cas de cancer métastatique, la survie médiane avec la chimiothérapie est d’environ 1 an. Autrement dit, après 1 an, 50% des patients traités par chimiothérapie sont encore en vie. Lorsque l’immunothérapie est ajoutée au traitement, cette médiane passe à 14-15 mois.

En cas de cancer non métastatique, les chiffres sont évidemment meilleurs. Chez les personnes subissant une chirurgie et un traitement adjuvant (chimiothérapie ou immunothérapie), 40 à 50% sont encore en vie après 5 ans. Après 5 ans, un patient est considéré comme guéri et, en principe, le suivi s’arrête également. Une rechute après ce délai est possible mais très rare.

QUELLE QUALITÉ DE VIE PEUT-ON ESPÉRER CHEZ UN PATIENT SOUFFRANT D’UN CANCER UGI?

En cas de cancer de l’estomac, c’est le «dumping» après la résection gastrique qui aura le plus d’impact sur la qualité de vie. Le reflux biliaire peut également être un problème, en partie parce qu’il n’existe pas de médicament efficace pour le traiter. Les patients doivent également manger plus fréquemment et s’assurer d’ingérer plus de calories dans de plus petites quantités d’aliments pour maintenir un poids stable. En cas de cancer de l’oesophage, la dysphagie peut parfois réapparaître en raison de la cicatrisation de l’anastomose (suture chirurgicale). Les patients sont souvent fatigués en permanence.

LE DÉPISTAGE A-T-IL DU SENS?

En Belgique, il n’existe pas de dépistage actif des cancers UGI. Ainsi, au niveau de la population, on ne recherche pas la présence de la bactérie Helicobacter pylori (HP). Toutefois, lorsqu’une personne atteinte d’HP développe une tumeur gastrique, sa famille sera invitée à réaliser une recherche d’HP. Il n’y a pas non plus de programme de dépistage pour l’oesophage de Barrett mais, une fois que cette maladie est diagnostiquée, ces patients sont suivis de près.

***notes***

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